La Légende de Diamant

10/09/2017 15:41

Sept Récits du Monde Celtique par  Edmond Bailly

LIBRAIRIE DE L’ART INDEPENDANT -  1909 -  Ceux du Chêne 

(Pages 219/220)

 

De temps immémorial, les sages instructeurs descendus de l’Hyperborée avaient reconnu, dans le monde végétal, l’image de la vie universelle, faisant de la forêt le temple unique de toute adoration. La végétation ne trace-t-elle point, par excellence, la physionomie expressive de la Nature dont le règne minéral ébauche le squelette ? En elle se rencontrent toutes les attitudes, tous les gestes possibles de la matière, du grotesque au sublime. Toutes les gammes lui appartiennent : celles de la forme, celles des saveurs, des odeurs, de la couleur, et, surtout, celles du son qui, en se jouant du monotonisme tragique à l’hyperchromatisme voluptueux jusqu’à la souffrance, lui crée un multiphone et incomparable langage. A la mobilité de l’air, elle rend, pour d’âpres symphonies, la surface rugueuse de ses mâles écorces, pour de subtils chuchotements, celle lisse et velouté de ses troncs à la féminine caresse, ses feuilles tremblotantes, murmurantes, gazouillantes. De quels enseignements, enfin n’est-elle pas le théâtre ? A l’aspiration sociale elle offre les plus hauts exemples d’une touchante solidarité, d’une prévoyante abnégation, du sacrifice ; car le géant sous lequel des milliers d’existences s’abritent reste, lui-même, exposé aux ardeurs dévorantes de l’astre du jour ; et si branches de l’hôte du verger ploient sous la charge des fruits mûrs, ce n’est point pour lui. Enfin, parce qu’elle est, à la fois, le cadre de la vie et de la mort, elle met devant la méditation du penseur le spectacle suggestif de sa perpétuelle palingénésie.

Tout ce que disait la forêt, les Druides le comprenaient, l’ayant religieusement écoutée se plaindre ou se réjouir. Bien plus, ils savaient se faire entendre d’elle qui n’est pas une chose mais un être.