LE DRUIDISME RESTAURE

22/05/2016 15:49

Henri LIZERAY

Aux Editions : Librairie Ernest LEROUX  1885 - Préface : pages : 5,6 et 7

 

 Les druides nous manquent. Ces physiologistes, familiarisés avec les questions cosmogoniques, prenaient pour objet de leurs discussions le fonctionnement de l’univers et l’âme qui en est le résultat. Leurs enseignements sur ces grands problèmes n’ont pas été remplacés par ceux du clergé, des professeurs universitaires, ni des publicistes, comme nous allons le démontrer.

Par le rejet de toute controverse, les mystiques envoyés de Rome anéantirent l’essor intellectuel : en condamnant les choix des opinions qu’ils qualifièrent d’hérésie, ils attaquèrent le principe même du jugement ; Pour compléter leur œuvre d’annihilation, ils intronisèrent le dogme, c’est-à-dire l’obligation de croire sur parole. A toutes les questions, à toutes les légitimes curiosités de l’esprit, ces nouveaux docteurs répondirent par des citations de la Bible.

Toutefois, en laissant à l’état de lettre morte cet obscur résumé des croyances chaldéennes, les prêtres montrèrent qu’ils avaient perdu le sens des théologies : celles-ci n’ont de valeur que par l’interprétation. Car les religions pendant l’enfance de l’humanité, avant la formation même des termes abstraits, se composent d’allégories «  qui sont des discours faux en apparence, mais vrais au fond. ». Il en résulte que le plus sûr moyen de se tromper est de se tenir au sens littéral des textes théologiques, suivant les règles adoptées par le clergé romain.

Ainsi, les fonctions intellectuelles désertées, reniées, condamnées ; les inventeurs et les novateurs mis au bûcher (l’humanité jamais ne l’oubliera) ; les intelligences vides conduites par des esprits nuls, telle fut, dans ses effets, la valeur scientifique de la doctrine chrétienne. Au point de vue moral, elle imposa aux pâles monothéistes un seul sentiment : la crainte, la crainte juive, la crainte du Jéhovah colérique, toujours menaçant, jamais satisfait. La vie des vrais chrétiens, comme Pascal, s’écoula dans les transes, en perspective de l’enfer. Aujourd’hui encore on peut voir les malheureuses populations des campagnes irlandaises se traîner à genoux pendant les cérémonies d’un culte incompris ? Voilà ce que devient entre  les mains des prêtres, la dignité humaine dans les pays où autrefois les druides enseignaient la liberté, la responsabilité et la progressivité de l’âme.

Pas plus que l’Eglise, l’Université n’a pu suppléer aux doctrines druidiques. Car une institution subventionnée par l’Etat pour former des fonctionnaires civils et militaires, limite son enseignement aux sciences externes, sans s’occuper des croyances intimes.

Les fonctions intellectuelles, désavouées par le clergé, sont échues à des gens non rétribués qui les remplissent mal, parce que le travail de la pensée exclut toute préoccupation matérielle. Les publicistes actuels, pour la plupart journalistes pressés de besoins, écrivent avant d’avoir eu le temps de réfléchir : ils appartiennent, non à la classe des penseurs, mais à la nombreuse tribu des flaireurs d’argent. Quant aux romanciers, ils ne doivent pas s’aventurer au-delà des potins de la vie courante : témoin la naïveté de l’auteur de Salammbo qui, prenant le dragon, symbole astronomique, pour un ophidien réel, en fait un objet de jouissance pour femme.

Cependant nous avons plus que jamais besoin de savoir. D’effroyables guerres, œuvres de bouchers, attestent  l’oubli des règles primordiales et l’urgence de rappeler les principes. Quand l’humanité recule, l’univers baisse : d’où la nécessité des révélations pour empêcher que le tout ne s’écroule.

Merlin sort enfin du sommeil dans lequel Viviane l’avait plongé, c’est-à-dire l’esprit druidique s’échappe de l’engourdissement où le tenait l’église romaine. Des sommets de l’Ida jusqu’à ceux de l’Irlande, dans un cadre immense, la jolie pensée celtique va de nouveau apparaître.

Prospérité à ceux qui arrivent.